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VIVEZ LA VIE DE SULTAN POUR UN SOIR
12-08-2021

VIVEZ LA VIE DE SULTAN POUR UN SOIR

Charles Richer

La cuisine ottomane fait un retour en force à Istanbul au grand plaisir des gourmets contemporains

C’est le visage moderne d’Istanbul qui se dessine d’abord lorsque vous atterrissez à l’aéroport : du verre, de l’acier et des magasins de marque. Mais, sur le chemin du centre-ville, vous passerez sûrement devant d’anciennes fortifications en pierre, des mosquées et des palais encore intacts datant de l’Empire ottoman. Vous apercevrez peut-être le Bosphore, ce détroit qui faisait partie de la célèbre route de la soie. Ici, les traces du grand empire qui a marqué la région de 1299 à 1922 sont évidentes.

COUCHER DE SOLEIL SUR LE BOSPHORE ET LA MOSQUÉE SÜLEYMANIYE

De larges pans de l’histoire d’Istanbul sont ancrés dans l’héritage ottoman, un empire multiculturel et multiconfessionnel. La vie de sultan se découvre au fil des principales attractions touristiques de la ville, comme le palais de Topkapı. Et récemment, les habitants ont eu envie de replonger dans la culture ottomane grâce à des recettes laissées de côté depuis des décennies.

LA RICHESSE ARCHITECTURALE DU PALAIS DE TOPKAPI

« La cuisine française est devenue une influence dominante au 19 e siècle, et donc les cuisines locales, jugées peu sophistiquées, sont tombées en désuétude », explique Priscilla Mary Işın, historienne turque spécialisée en cuisine et auteure de Bountiful Empire : A History of Ottoman Cuisine. « Même histoire à Istanbul. Dans les années 1970, les restaurants haut de gamme ne proposaient jamais de plats turcs. Les grands hôtels ne servaient même pas de café turc. Aujourd’hui, la cuisine traditionnelle revient en force. »

Les chefs pionniers qui repartent sur le chemin de l’histoire ne cherchent pas les ingrédients, mais les recettes. Certes, on a toujours cuisiné chez soi les plats traditionnels ottomans, mais beaucoup de recettes plus complexes concoctées dans les palais se sont perdues.

Sezai Erdoğan, chef du restaurant Tuğra du Çırağan PalaceKempinski Istanbul, a voulu créer un menu authentique pour cet ancien palais ottoman qui reçoit entre autres des membres de la royauté. Toutefois, comme ses pairs, il a eu du mal à trouver des recettes ottomanes originales. Il a fouillé le palais avec son équipe pour dénicher des plats créés pour les sultans, leurs familles et les visiteurs privilégiés de la cour. « Nous avons travaillé avec d’éminents historiens et experts de l’alimentation, puis nous avons effectué des recherches dans les archives des bibliothèques royales pour créer un restaurant de cuisine ottomane digne d’un palais »,explique-t-il.

AU MENU DANS LES PALAIS

La richesse et la puissance de la Turquie à l’époque ottomane attiraient des gens de toute la région et d’ailleurs. Des marchands de Perse, du Moyen-Orient, d’Asie, d’Afrique, de la Méditerranée et des Balkans vendaient leurs produits et épices exotiques sur les marchés d’Istanbul et beaucoup vivaient dans ce nœud commercial à cheval sur l’Europe et l’Asie.

ÉPICES ODORANTES DANS UN MARCHÉ D’ISTANBUL

Ce mélange éclectique de cultures a influencé la cuisine locale. « C’était un empire multiculturel, et la cuisine reflétait cette diversité », explique M me Işın. « Par exemple, il y avait de nombreux desserts trempés dans du sirop dans la cuisine médiévale du Moyen- Orient. Les Ottomans ont repris l’idée et ont inventé de nouveaux mets, notamment le célèbre baklava. »

Ces ingrédients mystérieux faisaient leur entrée dans les palais royaux et on créait des recettes tant pour impressionner que pour mettre en valeur la richesse du sultan. Selon les historiens, il y avait plus de 1 000 employés en cuisine et les repas étaient servis dans des assiettes en or massif. « Les Ottomans étaient culinairement inventifs et prenaient cet art très au sérieux », ajoute Mme Işın.

L’agneau et le gibier à plumes, comme la caille et le faisan, étaient un peu nos poulets modernes, une viande commune et facile à trouver. On les assaisonnait d’épices, clou de girofle, cannelle ou anis. Pour la cour, les plats de viande étaient agrémentés de fruits comme les grenades et les abricots. Le sultan contrôlait les routes des épices de la région, donc les cuisines royales ottomanes regorgeaient de produits savoureux permettant de transformer un morceau d’agneau ordinaire en un plat complexe aux notes de cannelle, de cardamome et de fenouil, accompagné de morceaux de prunes juteuses.

VIVEZ LA VIE DE SULTAN POUR UN SOIR (OU AU MOINS UN SOUPER)

L’hôtel Çırağan Palace Kempinski Istanbul dans le quartier Beşiktaş d’Istanbul, sur les rives du Bosphore, a été construit en 1871 par le sultan Abdülaziz. Son restaurant emblématique, Tuğra, tire son nom du mot « tuğra », qui se traduit en gros par « la marque du sultan ».

L’HABIT A ÉTÉ CONÇU SUR MESURE POUR CETTE EXPÉRIENCE
© KEMPINSKI HOTELS

Il offre une vue magnifique sur le Bosphore et le visage asiatique de la ville. Au menu, vous trouverez des plats avec des herbes, des noix, du miel, des épices, de l’agneau, du riz et du safran, autant d’ingrédients qui, selon le chef Erdoğan, sont les marques de la cuisine ottomane.

ZERDE INFUSÉ AU SAFRAN 
© KEMPINSKI HOTELS

L’un des plats typiques est le dolma de bœuf braisé servi avec riz, légumes rôtis, échalotes et cornichons faits maison, une recette nourrissante qui date de 500 ans et qu’adoraient les janissaires, la garde d’élite de la maison du sultan. Il y a aussi le canard aux pistaches et amandes dans sa pâte phyllo avec du jus au miel de lavande et des fruits caramélisés, servi pour la première fois en 1539 au sultan Süleyman.

LE DESIGN DE L’ARGENTERIE S’INSPIRE DES CULTURES ANCIENNES
© KEMPINSKI HOTELS

Le plat emblématique du Tuğra reste toutefois le testi. Il s’agit d’un délicieux mélange de tendres morceaux d’agneau, de tomates, de pommes de terre, d’échalotes, de champignons sauvages et de poivrons, le tout cuit et servi dans une casserole en terre cuite (les historiens pensent que la première au monde a été fabriquée en Anatolie vers 7000 av. J.-C.).

Passez un jour ou dix à savourer Istanbul, puis prenez une grande inspiration avant de quitter la ville. Vous sentirez peut-être une légère bouffée d’épices avant de laisser derrière vous l’un des derniers grands empires du monde.

CONSEIL DE PRO

D’autres bonnes adresses où manger comme un sultan

Asitane est l’un des premiers restaurants d’Istanbul à mettre de l’avant la cuisine ottomane. Essayez le Mahmudiyye, un ragoût de poulet aigre-doux légèrement épicé, ou la soupe froide aux amandes, faite d’amandes sucrées et amères,agrémentée de grenade et de noix de muscade râpée.

Deraliye, un restaurant populaire du quartier central de Sultanahmet, se spécialise dans la cuisine ottomane de l’époque de Soliman le Magnifique. Les convives peuvent aussi y prendre part à des ateliers de cuisine.

Old Ottoman Café & Restaurant, au centre-ville, propose des recettes traditionnelles dans une ambiance décontractée.Les grands plateaux composés de viande grillée, de feuilles de vigne farcies et de sauces conviennent parfaitement à l’atmosphère familiale de ce restaurant.

 

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