06-04-2021
Sur les pas de Darwin
Charles Richer
Rencontres avec les sympathiques otaries, les fous colorés et les curieux phoques des îles Galápagos
Par Liz Fleming
Il faut vraiment la perspective d’une croisière d’exploration à l’aube pour me faire sortir du lit à cinq heures du matin. Mais, dans cet archipel d’îles minuscules à 1 000 kilomètres des côtes équatoriennes et juste au-dessus de l’équateur, il fait si chaud qu’elles ne peuvent avoir lieu qu’au petit matin et en fin d’après-midi.
Bien que ce navire de Silversea soit techniquement un navire d’exploration, il offre aux cent passagers toutes les prestations de luxe que l’on peut attendre d’une croisière haut de gamme. Il va même plus loin. Outre ses cabines élégamment aménagées, des mets gastronomiques et des guides chevronnés, nous avions le service de majordome le plus attentif que je n’ai jamais vu. À la fin de chaque journée bien remplie, lorsque nous regagnions notre suite en dégoulinant de chaleur comme si nous sortions d’un sauna, un plateau en argent de hors-d’œuvre raffinés et de boissons glacées nous attendait. Le majordome aussi, juste pour récupérer nos affaires trempées de sueur. Et pendant que nos guides faisaient leur exposé et que nous savourions le souper, la fée de la lessive travaillait, faisant apparaître comme par magie des vêtements tout propres dans notre placard avant notre retour. Dans une destination où l’on mouille un tee-shirt en quelques minutes, c’était le comble du luxe.
Nous suivions les traces de Charles Darwin, dont les travaux aux Galápagos ont abouti à la publication en 1859 de De l’Origine des espèces. L’ouvrage remettait en question la vieille croyance selon laquelle tous les êtres vivants ont une forme immuable et sont créés par un être divin. Darwin a bouleversé les institutions scientifiques et religieuses en soutenant que les membres d’une même espèce vivant sur des îles aux géographies différentes s’adaptaient à leur environnement et développaient des caractéristiques spécifiques et distinctes. Cette découverte a changé le monde.
Aujourd’hui, plus de 97 % des îles Galápagos font partie d’un parc et l’accès à ce site sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO est étroitement contrôlé. Le nombre de visiteurs est limité et la faune est protégée. Mais, bien qu’il faille garder une distance de deux mètres entre les spectateurs et les créatures des Galápagos, celles-ci sont loin de jouer les effarouchées. Faisant fi de toutes les restrictions, elles se posent à côté de vous, se faufilent pour vous jauger ou s’approchent pour renifler vos chaussures. Et chaque fois, vous en restez bouche bée.
Sur une île rocheuse, une volée de frégates mâles s’est donnée en spectacle pour nous, gonflant leur sac gulaire rouge en guise de parade nuptiale, jusqu’à ce qu’une seule femelle, peu impressionnée, s’envole, les laissant se dégonfler comme des ballons crevés. Sur un autre rivage aux côtes accidentées, nous sommes passés devant un rocher brillant… qui a soudain ouvert les yeux et s’est révélé être un énorme lézard marin. Des fous à pieds bleus, à pieds rouges et des fous de Grant ont lissé leurs plumes et se sont fait entendre du haut des arbres, exhibant leurs pattes colorées.
Nous avons nagé dans une eau claire et chaude, entourés de bancs de poissons multicolores, de phoques joueurs et d’otaries mutines qui nous ont adoptés, nageant et plongeant autour de nous. Lorsque nous sommes sortis sur le sable, elles nous ont suivis, se couchant à côté de nous comme une bande d’adolescentes sur la plage. Plus tard, nous avons vu des tortues centenaires cheminer à travers un paysage volcanique tandis que des albatros en nidification se promenaient tranquillement à nos pieds pour monter dans leur petit refuge.
Et chaque soir, nous nous sommes couchés épuisés, abasourdis par ce que nous avions vu, le cœur emplit de reconnaissance. Seules quelques personnes très chanceuses ont fait l’expérience des îles Galápagos, et comme Darwin, ces lieux nous ont changés à jamais.