06-04-2021
En quête d’authenticité en Alaska, la dernière frontière
Charles Richer
Par Tim Johnson
L’hélicoptère s’élève au-dessus des chaînes côtières du Pacifique. Au rythme du fracas de ses pales, l’engin se fraye un chemin en frôlant les versants dans cette terre de neige blanche et de glace bleutée, de sommets enneigés et de glaciers. La forêt boréale de la vallée de la rivière Knik s’éloigne en contrebas, encore baignée du soleil de la saison estivale.
À mes côtés se trouve Harris, sympathique husky aux yeux rivés sur la fenêtre et les grands espaces. La chienne semble apprécier le paysage autant que les autres passagers et je peux sentir son impatience grandir à l’approche de l’atterrissage sur le glacier Colony. Elle se réjouit à l’idée de retrouver sa meute, le meneur de l’attelage et son traîneau. En peu de temps, le tableau caché derrière une crête se dévoile : des sommets dans les nuages et les compagnons de Harris en rang, avec en toile de fond la blancheur à perte de vue. Même l’été, les montagnes restent enneigées et les chiens s’en donnent à cœur joie.
La vallée de la rivière Knik se trouve à une heure de route au nord-est d’Anchorage. De là, il ne reste plus qu’un court et spectaculaire vol en hélicoptère jusqu’au glacier. Je sors sous les rotors et la neige crisse sous mes pas. Les chiens saluent notre arrivée en aboyant. Après avoir rencontré la meute et le meneur, je me retrouve meneur à mon tour sur le traîneau qui file à travers la poudreuse et, rapidement, l’attelage de 16 chiens avale les quatre kilomètres du parcours.
Anchorage n’est pas loin, mais j’ai l’impression d’être dans un tout autre monde. Je suis venu voir le vrai visage de l’Alaska au rythme d’incroyables aventures. Je vais respirer l’air moins oxygéné des plus hauts sommets d’Amérique du Nord et filer sur un traîneau à chiens en altitude, sans oublier l’épilogue et point d’orgue, une rencontre avec des épaulards.
Je commence par le nord à bord du train Denali Star. Assis à l’étage supérieur, je profite du panorama qui s’étend à l’horizon grâce aux larges baies vitrées, et voilà que se dessine devant moi la plus haute montagne d’Amérique du Nord. Le mont Denali, autrefois nommé mont McKinley, s’élève à près de 6 200 mètres au-dessus du niveau de la mer. C’est l’un des plus hauts sommets du monde. Un vaste parc national éponyme de plus de 24 000 kilomètres carrés l’entoure.
Les aventures sous le signe du Grand Nord ne manquent pas ici. Lors d’une folle balade en véhicule tout-terrain dans le parc national, James Davey, chauffeur de la navette Savage River Shuttle, me raconte de belles anecdotes sur les kilomètres de route qu’il arpente dans l’arrière-pays. Toutes sortes d’animaux vivent dans le parc : loups, caribous, orignaux, renards arctiques, ainsi que des milliers d’ours noirs et de grizzlis. « Je vois arriver des gens de tous les horizons et du monde entier, me confie-t-il. Ils sont toujours tout excités quand ils aperçoivent un animal sauvage pour la première fois. »
Le réseau de l’Alaska Railroad me ramène à Anchorage, puis je pars vers le sud. Je suis cette fois à bord du Coastal Classic qui serpente à travers d’étroites vallées sinueuses. Les montagnes Chugach côtoient la mer sur un tronçon du voyage, la voie ferrée entre les deux. Nous arrivons à Seward qui sera ma dernière étape dans le plus grand État américain. Nous embarquons sur le Spirit of Adventure, un solide navire à double coque. Les amarres sont larguées dans la baie Resurrection et nous voguons vers le parc national de Kenai Fjords où la nature sauvage nous attend.
Les merveilles naturelles de l’État sont là encore à portée de main. Comme son nom l’indique, le parc est une collection de fjords, de baies et d’îles préservées et on y trouve une quarantaine de glaciers. Nous arrivons rapidement au pied du glacier Holgate de huit kilomètres de long. Il dérive vers le golfe d’Alaska et se détache en lambeaux de glace et de neige en atteignant la mer.
Nous sommes en plein cœur de la faune et de la flore. D’espiègles loutres de mer viennent nous saluer et des otaries nagent tout près. Nous apercevons l’épais manteau blanc des chèvres de montagne sur les vertes berges du rivage. De majestueux aigles à tête blanche et d’adorables macareux planent au-dessus de nous. Soudain, les épaulards entrent en scène. La plupart de ceux qu’on voit sont des sédentaires qui se limitent à une zone pour manger le saumon. Mais ceux-ci sont des nomades, l’équivalent aquatique d’une meute de chiens sauvages.
Les guides locaux les ont surnommés les « prédateurs de Kodiak », car on les observe souvent près de l’île Kodiak. Nous admirons leurs sombres nageoires dorsales quand ils frôlent notre embarcation en silence. Un moment d’émerveillement s’ensuit, le frisson unique de cette rencontre fortuite. Puis, ils disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus. Le groupe part à la recherche de sa prochaine proie tandis que nous revenons vers Seward en quête d’une autre aventure dans cet État qui reste encore merveilleusement sauvage.